Le nom de Simone Vierne est indissociable de la recherche sur l’auteur des Voyages extraordinaires, même si elle s’illustra aussi dans d’autres domaines, sur George Sand en particulier et sur l’imaginaire à la suite de Gilbert Durand.
Lancée dans une thèse de doctorat sur Jules Verne au début des années 1960, Simone Vierne est l’une des premières à accéder à la correspondance entre Jules Verne et Hetzel déposée à la Bibliothèque nationale. Elle y fait deux découvertes. Elle révèle la première dans un article intitulé « L’Authenticité de quelques œuvres de Jules Verne » (Annales de Bretagne, tome LXXIII, septembre 1966) démontrant que Verne s'est basé sur deux manuscrits d'André Laurie (Paschal Grousset) pour écrire Les Cinq cents millions de la Bégum et L’Etoile du Sud. D’autre part, elle retire à Jules Verne la paternité d’un petit roman qui lui était parfois attribué Prodigieuse Découverte et ses incalculables conséquences sur les destinées du monde signé X. Nagrien et publié chez Hetzel en 1867 [1]. Simone Vierne revient sur cette seconde découverte dans un autre article, « À propos des œuvres de X. Nagrien » (Bulletin de la Société Jules Verne, n° 4, 4e trimestre 1967).
Peu après, le même Bulletin accueille deux travaux parallèles à sa thèse sur l’imaginaire de Jules Verne : « Mais où sont les Lunes d’antan ?... ou la Lune et l’Imaginaire chez Jules Verne » (Bulletin n° 15, 3e trimestre 1970) et « George Sand, Jules Verne et le Nautilus » (Bulletin n° 24, 4e trimestre 1972).
1972 est la date de soutenance de la thèse de Simone Vierne, l’une des premières thèses consacrées à l’œuvre de Jules Verne : Jules Verne et le roman initiatique. C’est un événement dont on ne mesure plus aujourd’hui la portée : elle fait entrer Jules Verne par la grande porte à l’université. Entre parenthèses, Simone Vierne qui participe régulièrement aux assemblées générales de la Société Jules Verne, a raconté à plusieurs reprises combien elle avait eu de difficultés à faire passer l’idée que ce sujet était sérieux et que l’œuvre de Jules Verne pouvait faire l’objet d’une thèse universitaire.
Cette thèse est publiée un an après, en 1973, aux Editions du Sirac [2]. Sans en reprendre ici l’analyse, disons qu’elle y examine l’imaginaire de l’auteur tel qu’il apparaît à travers ses romans, en s’appuyant sur les travaux de Gilbert Durand. Elle y met ainsi en évidence une construction qui rapproche ces romans de scénarios initiatiques où un personnage va devenir un héros en subissant des épreuves dont il sortira grandi. Certains romans comme Voyage au centre de la Terre ou L’Ile mystérieuse montrent un soubassement imaginaire très fort de ce point de vue.
Simone Vierne
Dans les années qui suivent, cette thèse va nourrir d’autres travaux parmi lesquels un ouvrage pédagogique, L'Île mystérieuse, de Jules Verne (Hachette, 1973), et des articles comme « Puissance de l’imaginaire » (L’Herne, n° 25, « Jules Verne », 1974), « Jules Verne et la mine fantastique » (Actes du 98e congrès national des sociétés savantes (Bibliothèque Nationale, tome I, 1975) et « Trompe-l’œil et clin d’œil dans l’œuvre de Jules Verne » (Jules Verne et les sciences humaines. Colloque de Cerisy, U.G.E., coll. « 10/18 », 1979). Simone Vierne a organisé en 1978 ce colloque de Cerisy avec François Raymond.
En 1986, elle publie un ouvrage de synthèse, Jules Verne (Balland, 1986) où elle reprend le propos de sa thèse sur l’analyse des profondeurs de l’œuvre vernienne et élargit ses analyses au contexte éditorial qui lie Verne à Hetzel et au contexte historique de l’auteur [3].
Deux autres ouvrages encore montrent que l’intérêt de Simone Vierne pour Jules Verne de faiblit pas, même si elle travaille également sur George Sand : Jules Verne, mythe et modernité de Jules Verne (P.U.F., 1989) et Qui suis-je ? Verne (Pardès, 2005) [4].
En 1989, elle devient professeur émérite de littérature française à l’Université Stendhal de Grenoble où elle a enseigné depuis ses débuts. Elle est directrice honoraire du Centre de recherche sur l'imaginaire.
Née en 1932, Simone Vierne nous quitte le 18 janvier 2016, mais ses travaux alimenteront encore longtemps la recherche.
Ouvrage longtemps attribué à Jules Verne dont Simone Vierne a découvert le nom de l'auteur qui se cachait derrière le pseudonyme X. Nagrien
Trois ouvrages de Simone Vierne consacés à Jules Verne
Notes
- Depuis 1966, la recherche a avancé sur ce texte et son auteur, François Armand Audoy. Voir Volker Dehs, « Curieuse évolution d'une prodigieuse découverte », Bulletin de la Société Jules Verne, n° 179, avril 2012. ^
- Simone Vierne. Jules Verne et le roman initiatique : contribution à l'étude de l'imaginaire. Paris, Éditions du Sirac, 1973, 779 p. ^
- Simone Vierne. Jules Verne. Paris, Balland, 1986, 447 p. Cet ouvrage est consultable sur Gallica. ^
- Simone Vierne. Jules Verne, mythe et modernité. Paris, Presses universitaires de France, 1989, 173 p.
Simone Vierne. Qui suis-je ? Verne. Grez-sur-Loing, Pardès, 2005, 128 p. ^
Daniel Compère (daniel.compere@orange.fr) est professeur de littérature française à l’Université de Paris III-Sorbonne nouvelle. Créateur du Centre Jules Verne d’Amiens en 1972, il a publié de nombreux ouvrages et articles sur Jules Verne (dont Les Voyages extraordinaires de Jules Verne. Pocket, 2005). Président de l’Association des Amis du Roman populaire et responsable de la revue Le Rocambole, il a également consacré des publications à la littérature populaire dont deux livres sur Alexandre Dumas (dont D’Artagnan & Cie. Les Belles Lettres — Encrage, 2002). Récemment, il a dirigé un Dictionnaire du roman populaire francophone (Editions Nouveau Monde, 2007). ^